Vœu de soutien à l’AMF sur la baisse massive des dotations de l’Etat aux collectivités locales
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// Intervention Conseil Municipal 20-11-2014 //

Intervention de Olivier Glück

Monsieur le maire, chers collègues,

Nous remercions le groupe des élus communistes et républicains d’avoir proposé ce vœu qui nous permet une expression sur les politiques d’austérité menées partout en Europe jusque dans nos communes.

Le choix du gouvernement, dicté par la commission européenne, de réduire la dépense publique de 50 milliards d’euros d’ici 2017 est une aberration politique. Cette politique d’austérité dont le but est soit disant de réduire le déficit public ne mène nulle part. Des économistes de tous bords l’affirment depuis plusieurs années. Le FMI et maintenant le G20 la remettent en cause. Tous les pays qui l’ont appliquée ont accentué les souffrances des populations, en vain, puisque les déficits ont continué d’augmenter. C’est mécanique : la réduction de la dépense publique diminue l’activité ce qui induit une baisse des recettes fiscales, une baisse des cotisations et une augmentation des dépenses sociales.
Cette politique met à mal la consommation populaire et l’investissement public. L’Europe est maintenant en récession. Cette politique est un non sens économique et un désastre social ; elle n’est pas comprise par les citoyens, elle est propice au repli sur soi et à la désignation de boucs émissaires. Elle conduit au rejet du système politique et économique par l’ensemble de la population… d’autant plus que le gouvernement qui se dit de gauche mène une politique économique de droite depuis son arrivée au pouvoir. L’UMP voudrait d’ailleurs que la réduction de la dépense publique soit plus importante encore. Il est bon de rappeler que la dette a atteint un record inégalé en 2012 grâce aux politiques Sarkozy/Fillon puisqu’elle est passée de 1200 milliards en 2009 à 1800 milliards en 2012.

Cet argument de la dette publique est un prétexte pour imposer des politiques ultra-libérales. Elle est présentée comme autant insupportable que celle d’un ménage, dans une analogie aussi malhonnête qu’absurde économiquement. La dette fonctionne comme un culpabilisateur collectif qui pèse sur tous les choix budgétaires. Ceux qui en pâtissent sont ceux qui n’y sont pour rien. Mais ceux qui ont contribué aux manques à gagner fiscaux de l’Etat, contribuables aisés et entreprises dont le rendement de l’impôt sur les sociétés s’effondre continuellement, sont choyés. Les grosses multinationales vont se gorger au Luxembourg ou en Suisse avec l’argent des impôts qu’elles ne paient pas dans les États voisins… tout cela légalement dans le cadre de « l’Europe qui nous protège » ! Cette fraude fiscale est évaluée à plus de 1000 milliards en Europe ; c’est plus de la moitié de la dette française qui s’évade chaque année ! Elle représenterait pour l’Etat français un manque à gagner de 30 à 80 milliards chaque année. On peut ajouter la fraude aux cotisations sociales des entreprises, notamment par le travail au noir, estimé à plus de 10 milliards par an ! Bien loin de ce que la droite et l’extrême droite veulent nous faire croire avec la fraude aux allocations, estimée à moins de 2 milliards par an.

Les 40 milliards octroyés aux entreprises dans le pacte de responsabilité ne créeront pas d’emploi. Pour créer des emplois, il faut de l’activité et remplir les carnets de commandes des entreprises. Au mieux, ces 40 milliards financeront un peu d’investissement. Au pire, ils alimenteront les dividendes des actionnaires. Faut-il rappeler que le coût du capital augmente deux fois plus vite que celui du travail ? La part de la richesse produite prélevée par le capital a triplé depuis trente ans : elle était de 3,2 % du PIB en 1980, elle est passée à 9,3% du PIB en 2011. Cette augmentation a coûté 120 milliards supplémentaires aux entreprises !

L’investissement privé est insuffisant du fait de la rémunération excessive du capital. En 2010, par exemple, les dividendes se sont élevés à 210 milliards d’euros alors qu’il n’a été consacré que 182 milliards d’euros aux investissements. En 2011, dans les entreprises non financières, le coût du capital est deux fois plus élevé que les cotisations patronales ! Il en aura coûté 307 milliards d’euros de dividendes et d’intérêts donnés aux banques pour 154 milliards d’euros de cotisations sociales ! Depuis 10 ans, les exonérations de cotisations patronales ont représenté 215 milliards d’euros cumulés ! Pour quel résultat en matière d’emploi ? Aucun, le chômage ne cesse de grimper. Ce matin encore, mon radioréveil justifiait par la compétitivité un nouveau plan de licenciements annoncé chez PSA…

Un gigantesque transfert de crédits, des contribuables les moins riches vers les autres et des ménages vers les entreprises, s’organise sous couvert du choc de compétitivité sans que cela ne produise le moindre frémissement de l’investissement ou de l’emploi.

Cette imposture nous ferait presque oublier deux réalités jamais mentionnées. La première est que la dette ne sera jamais remboursée intégralement, qu’une part importante de cette dette est illégitime et que les états ne doivent plus emprunter aux banques privées à des taux largement supérieurs à ceux pratiqués par la banque centrale européenne pour prêter à ces mêmes banques. Nous ne sommes pas là pour alimenter la bulle financière !
La deuxième réalité est que la richesse de la France augmente, et elle augmente beaucoup. Le PIB de la France a été multiplié par 1,5 depuis l’an 2000, en valeur globale comme en valeur par habitant. Sur cette même période, les inégalités se sont fortement accrues. La vérité c’est que les richesses augmentent et donc que nos dirigeants sont incapables (ou refusent) d’en assurer une juste répartition !

Venons-en à la déclinaison de cette politique sur les collectivités locales. Une baisse de leur dotation de 11 milliards sur 3 ans, c’est énorme ! En moyenne plus de 3 milliards par an alors que le gouvernement Fillon a réduit la dotation 2013 de 1,5 milliards, ce qui s’est traduit par une baisse de 1 million d’euros pour la ville de Villeurbanne. Si l’on se base sur ces éléments, auxquels s’ajoutent la baisse des diverses compensations, on peut envisager une baisse de 36 millions d’euros pour la ville sur toute la durée du mandat ce qui correspond à 25% de l’épargne brute dégagée lors du précédent mandat. Mécaniquement, les marges d’investissement vont se réduire très fortement.

Au niveau de la métropole, la baisse des dotations serait de 140 millions d’ici 2020, ce qui correspond à ce que reçoit le Sytral chaque année des collectivités pour financer tout le réseau de transport public !
Une étude récente commandée par l’Association des Maires de France montre que la baisse des dotations d’ici 2017 va se traduire par une réduction de l’investissement des communes de plus de 30% et que 2/3 des communes vont se retrouver dans des situations budgétaires dramatiques. Faut-il rappeler que les collectivités locales sont le principal moteur de l’investissement public avec 50 milliards d’investissements sur un budget de 230 milliards ?
Et pourtant, la population ne cesse d’augmenter en France et à Villeurbanne en particulier.
A cela, s’ajoute le coût très important de la réforme des rythmes scolaires pour les communes. La dépense annuelle pour Villeurbanne devrait s’élever à 5 millions d’euros. Une fois les recettes ou subventions déduites, il resterait encore plus de 3 millions à la charge de la ville.

Au final, le budget 2015 de la ville serait construit avec comme objectifs la baisse de 4% des dépenses de fonctionnement et sans évolution de la masse salariale. De plus, les investissements prévus risquent d’être insuffisants relativement aux besoins importants de la ville en la matière. Tout cela se fera au détriment des personnels, au détriment de l’intérêt général, au détriment des services publics locaux et de leurs usagers.

Une autre politique est possible que ce soit au niveau européen, national ou local. Elle consisterait à changer le rôle et la politique de la banque centrale européenne, à mieux répartir les richesses grâce à une véritable réforme de la fiscalité et une lutte accrue contre l’évasion fiscale. Elle s’appuierait sur une relance écologiquement soutenable de l’activité grâce à des investissements majeurs dans des domaines comme la transition énergétique et la rénovation thermique des bâtiments largement évoquée ce soir par notre groupe.

Les craintes exprimées dans le vœu sont en adéquation avec notre analyse. La ville de Villeurbanne doit soutenir les demandes de l’Association des Maires de France en la matière, en particulier, le réexamen du plan de réduction des dotations de l’Etat aux collectivités locales. Nous voterons donc ce vœu.

Je vous remercie pour votre attention.
Olivier Glück, pour le groupe des Elus Europe Ecologie les Verts – Front de gauche